DE NOMBREUSES POULES COLORÉES PLACÉES CÔTE À CÔTE

Émilie Renard, 2002


Publié dans Cosmos, Kunstverein Freiburg et Palais de Tokyo, 2002 et dans Unité, Les Laboratoires d’Aubervilliers FRAC PACA et ENSBA, 2005


De nombreux boîtiers vides de cassettes vidéo sont placés côte à côte sur une étagère longue de quarante mètres. Dans ces deux cent boîtiers sont glissées autant de jaquettes de films, tous intitulés Cosmos, tous adaptés du roman éponyme de Witold Gombrowicz et tous réalisés par Boris Achour. L’ensemble de cette collection s’appelle lui aussi Cosmos.
Afin de distinguer l’ensemble des parties, on convient d’ajouter des signes distinctifs à ce titre générique. On appellera l’ensemble : « le vidéoclub Cosmos », ses parties : « les jaquettes Cosmos », et pour les désigner chacune en particulier, on ajoutera un sous-titre descriptif ou extrait de la jaquette elle-même, comme par exemple : « la jaquette Cosmos – Message from Space ». Et enfin, « Cosmos, le roman » pour le livre de Gombrowicz.

« DE NOMBREUX OBJETS COLORÉS PLACÉS CÔTE À CÔTE POUR FORMER UNE RANGÉE DE NOMBREUX OBJETS COLORÉS. »[1] Les termes de cette œuvre de Lawrence Weiner sont assez indéterminés pour s’appliquer à n’importe quelle suite de n’importe quels objets. Cet énoncé décrit une relation à la fois de succession entre chacun des objets et d’emboîtement entre les objets et leur ensemble. À nouveau, selon les mots de Laurence Weiner, une suite d’objets traite finalement « De cela en relation avec d’autres de la même sorte en relation avec une structure dominante. »[2] Appliquée à Cosmos, la phrase décrit par exemple, la relation « de la jaquette Cosmos – Spécial fétichistes du nuage américain, en relation avec la jaquette Cosmos – Un film politique rigolo avec du vomi, en relation avec le vidéoclub Cosmos. » Réduite à une formule plus rapide : « cela + d’autres de la même sorte + une structure dominante », la phrase de Weiner sera pour ce texte un outil d’observation. Ce texte est donc écrit d’après l’énoncé de Weiner et à propos d’une suite hétéroclite de jaquettes Cosmos.

Les fonctions de la « structure dominante » sont remplies par la combinaison de deux sources : Cosmos, le roman de Gombrowicz et un vidéoclub quelconque. Les relations entre les éléments, c’est-à-dire entre les « nombreux objets colorés », sont induites par les fonctions de ces deux structures. Et réciproquement, les fonctions des deux structures dominantes sont construites par les relations entre leurs éléments. Mais comment Cosmos, le roman et un vidéoclub quelconque influencent-ils le contenu et l’organisation des jaquettes Cosmos ?

De la même manière qu’au cinéma un film peut être réalisé d’après un livre, chaque jaquette Cosmos est une adaptation en image du roman. Le vidéoclub Cosmos est d’un genre particulier, entièrement consacré à diverses déclinaisons possibles à partir d’une seule source. Cosmos, le roman est pour les jaquettes Cosmos ce qu’on appelle communément une source d’inspiration. De plus, c’est manifestement une source de citation pour Boris Achour. On suppose alors que le roman est un principe de construction pour les jaquettes.

Cosmos, le roman est construit sur le monologue intérieur d’un jeune homme nommé Witold. L’histoire est menée à la manière d’un roman policier. Witold enquête et tisse autour de lui des liens improbables. Il trouve des indices qui alimentent l’hypothèse paranoïaque d’un complot. L’environnement, son entourage, les événements construisent un réseau de signes et lui indiquent une direction : la bouche écorchée de la bonne, le moineau pendu à la branche, la fissure au plafond, le crachat, la bouche, la bouche… Ils forment ensemble une ronde obsessionnelle. En 1963, dans son Journal[3], Witold Gombrowicz décrit ainsi son projet au sujet de Cosmos qu’il écrira en 1966 : « Je pose deux points de départ, deux anomalies très éloignées l’une de l’autre : a) un moineau pendu ; b) l’association de la bouche de Catherette à la bouche de Léna. Ces deux problèmes se mettent à réclamer un sens. L’un pénètre l’autre en tendant vers la totalité. Ainsi commence un processus de suppositions, d’associations, d’investigations, quelque chose va se créer, mais c’est un embryon plutôt monstrueux, un avorton… chercher une Idée qui explique… qui mette de l’ordre…  » Cosmos, c’est la tentative de porter la logique intérieure d’un jeune homme par dessus la logique extérieure et ainsi, de ruser avec la réalité. L’enquête veut qu’une logique propre soit insufflée à toute association hasardeuse, à toute coïncidence improbable afin de rattacher les dualités entre elles.

Dans les jaquettes Cosmos, comme dans le roman, les histoires sont construites sur des anomalies. Des associations étranges apparaissent entre des objets issus d’univers différents ou inconnus. Acteurs, scénarios, images, couleurs, logos sont collés sur une même surface, de façon apparemment arbitraire. Car enfin, que font Marcel Duchamp et Patrick Dewaere dans un même film qui s’appelle Cosmos présenté par GRRR Production et Paradoxe Entertainment ? Et pourquoi Alain Poiré, producteur de Carambolages, un film réalisé en 1953 par Marcel Bluwal d’après le roman de Fred Cassak avec Jean-Claude Brialy et Louis de Funès, produit-il aussi, en 2001, Cosmos, un film de Boris Achour, d’après le roman de Gombrowicz, avec à nouveau les deux mêmes têtes d’affiche ? Et pourquoi est-il écrit « Quand il n’y a plus de place dans les musées, les morts reviennent sur terre », et ailleurs « Un film qui grandit par le milieu » ? Un mannequin + un réfugié, que signifie un tel regroupement ?… Chercher une idée qui explique… qui ordonne… Chercher la glu, la glu… Supposons des orientations et des lignes invisibles entre certains éléments de certaines jaquettes… Suivons d’improbables directions… Les motos + les seins… des doublures ?… Un mort par accident + Rrose Sélavy… Qui est soumis au régime de la coïncidence ? Le satellite… L’explosion… du calme ! … Le carrelage… Les nuages…?? L’énigme totale, la glu qui associe ceci avec cela, n’est pas tellement à chercher dans l’auteur-réalisateur exclusif et autoproclamé de films qui n’existent pas, ni même dans l’esprit inquisiteur du jeune homme obsédé par « la dualité des bouches de Catherette et de Léna… la dualité moineau – bout de bois », mais bien plutôt dans les objets du jeune homme, dans son environnement, son entourage, dans ses outils, dans ce fonds indéterminé, ce réseau de confluences et d’influences qui ont servi ses choix. Dans le moineau, dans le moineau…

Les jaquettes Cosmos sont des variations d’elles-mêmes à partir de quelques constantes : un format (le boîtier vidéo), un titre (Cosmos), un assembleur (Photoshop), un fonds indéterminé d’images et d’informations (par exemple, les affiches de Nosferatu, Le Grand Blond avec une chaussure noire, des images trouvées sur www.funnypictures.com, www.destinychilds.com, www.miami-greatcircus.com etc… ), selon des genres déjà connus ou non, d’après des productions de collections vidéo (par exemple, Les Films de ma vie, les éditions spéciales kiosque, les éditions d’amateurs ou les programmes éducatifs des universités américaines…) avec des anonymes, des stars véritables ou déchues, des proches (Robert de Niro, Nadia Hazanavicius, la jeune fille aux mollets modernes, Michel Audiard, Kyle Mc Lachlan), et avec des extraits du roman Cosmos, des textes de différentes sources ou bien spécialement écrits pour l’occasion en guise de synopsis. Une jaquette associe des éléments à la fois directement importés d’un fonds existant, d’autres parfaitement fabriqués sur place et d’autres issus d’un certain mélange entre les deux. C’est le lieu de confluence d’éléments disparates.
Au début, les surfaces des jaquettes sont blanches à l’écran. Elles sont en fait déjà chargées du fonds indéterminé de toutes les affiches de films déjà vues… Deke McClelland, dans le manuel Photoshop 5 La Doc des Pros expose ainsi les possibilités Photoshop de ce logiciel de traitement d’image : « Photoshop a pour mission de modifier la réalité. Son parcours suit les traces d’une longue procession de retouche photographique. […] Photoshop ne se contente pas de comprimer la distance entre deux des pyramides de Gizeh sur la couverture du National Geographic. Ni de coller, sur un placard de Newsweek, un instantané de Tom Cruise à Hawaii, appuyé sur l’épaule secourable de Dustin Hoffman, lui-même photographié à New York (deux applications, plus banales que la fiction, d’un logiciel de retouche photographique). Photoshop vous apporte une créativité sans frein. Représentez un plongeur bondissant du sommet du Kilimanjaro, un zèbre lumineux et mauve galopant vers un coucher de soleil vert amande, ou un papier peint en tous points semblable à la surface de la lune. Photoshop vous permet de peindre les images de vos rêves. Le ciel est votre seule limite. »[4] Selon ce procédé, les jaquettes sont fabriquées en principe à l’infini et en réalité jusqu’à épuisement de leur auteur.
Une imagination Photoshop crée à partir de formes et de personnages qui existent tels qu’ils existent, des rapports nouveaux. Elle crée aussi à partir d’eux, des formes et des personnages nouveaux. C’est-à-dire qu’elle crée des rapports entre des formes et des personnages nouveaux ou bien préexistants, mais qui ne s’étaient encore jamais rencontrés. Des agencements nouveaux issus des « déjà-vu » forment des bribes d’histoires. Il suffit de puiser des images dans différentes boîtes, de les sélectionner avec l’outil « lasso » ou « baguette magique », de les intégrer sur différentes couches superposées de « calques », de les brouiller et de les fondre avec l’outil « tampon ». Réagencer, détourer. Utiliser les sources intarissables d’images, de logos, de formes, de mots. Détourner les conflits d’influences et de genres. Organiser ces images dans de nouveaux réseaux de significations. Pour, finalement, alimenter le fonds du vidéoclub Cosmos. Photoshop assemble sous un même format des éléments disparates, étrangers voire contradictoires. Photoshop écrase les images au fer à repasser. Les coïncidences cohabitent. Les superpositions sont inséparables. Une jaquette impose entre ses éléments un certain ordre. Enfin, dans la formule : « cela + d’autres + une structure dominante », une nécessité interne, d’ordre formel, propre au cela est à peu près établie.

Dans cette sorte de vidéoclub à un seul rayonnage, les jaquettes sont des images-objets. Conformément à l’usage dans les vidéoclubs, les boîtiers exposés sont vides. Mais là, les jaquettes sont seules, ni avant, ni après aucun film. Leur seul mode d’existence est l’annonce d’elles-mêmes. Leurs images n’ont donc ni cause, ni conséquence. Leurs scénarios sont inachevés et indéfinis. Ce sont simplement des déclinaisons possibles de Cosmos, le roman. Aussi, à elles seules, elles mettent en scène une myriade de récits lapidaires. L’absence de film ajoute au pouvoir suggestif de la jaquette et de ses liens. En ce sens, une jaquette Cosmos est un espace de possibles réalisés, dans un terrain clos ; et le vidéoclub Cosmos, un monde protégé (des parcelles + des chemins de traverse). Ainsi, le vidéoclub Cosmos, permet-il de faire libre usage des images, des informations et des formes parmi un répertoire déjà existant. Il permet de créer des objets en plus, pour lesquels il n’y a pas de raison nécessaire à leur existence, ni de sens particulier à leur agencement. La jaquette n’est réellement vide que lorsque le vidéoclub Cosmos est comparé à un autre vidéoclub. Mais l’image, une fois replacée dans sa relation à d’autres semblables, acquiert son autonomie. Le vidéoclub Cosmos vient peut être d’un monde où l’emballage a une existence en soi. Où rien n’existe d’autre que l’emballage lui-même. Là où l’emballage de la farine est en farine, celui du beurre, en beurre… Ou bien non… Plutôt celui où les paquets de céréales seraient consommés uniquement pour les jeux, les points, les histoires et les personnages … Non… plutôt celui avec l’histoire de la boîte d’ananas. Un jour, en 1983, Amos Gitaï lit tout ce qui est écrit sur une boîte d’ananas : les indications de provenance, de production, le conditionnement, les dates, etc. Il imagine alors la formation de la boîte, depuis la pousse de l’ananas jusqu’à l’étagère de sa cuisine. Mais comme il est cinéaste et qu’il aime probablement voyager, au lieu de suivre seulement le parcours de l’ananas en imagination, il part le filmer. Il filme les plantations aux Philippines et les conflits des terres cultivables à Vanuatu, le conditionnement des fruits à Hawaii, et la grande distribution depuis San Francisco et Sydney. Cette boîte d’ananas est un objet qui permet de nouvelles associations à son propos, des voyages et un documentaire, Ananas, qui traite des conditions du commerce mondial.
Les jaquettes sont de ces sortes de boîtes à la fois closes et ouvertes, constituées de plusieurs sources et orientées sur d’autres. Quelles sont leurs orientations, leurs possibles directions, en dehors de cet ordre formel et de ses superpositions ? Une jaquette a-t-elle avec une autre, une relation plus forte que celle d’être simplement placée à ses côtés ? La suite logique qui relie « cela + d’autres de la même sorte » est-elle induite par la structure dominante ? En comparant le fonctionnement de deux types de vidéoclubs : un vidéoclub quelconque et le vidéoclub Cosmos, on espère ainsi relier Cosmos à d’autres mondes.

Dans un vidéoclub quelconque, les boîtiers sont classés par grands genres : Science Fiction, Action, Policier, X, Classiques, Enfants, Nouveauté, Comédie, Comédie dramatique, Aventure, Fantastique, etc. À un genre correspond une esthétique et des générations de films. Sous l’étagère Science Fiction, les jaquettes se ressemblent beaucoup : trois ou quatre personnages sont debout au centre, sur un fond bleu nuit, les lettres des titres sont éclairées par des rais de lumières et plongées dans la fumée…
De la même façon que Cosmos est un roman à l’atmosphère « Policier », les jaquettes Cosmos sont construites à la manière des films de genre. Car finalement, quoi de plus cohérent qu’un film Cosmos, dans la collection « Amateurs Volume 4 », produit par « HP Home Porn » ? Un fond bleu et, sur sa face, l’image d’une fille nue sur un lit blanc. Son corps est transparent comme par un effet de solarisation… Au dessus d’elle, les mots « Le Mollet Moderne présente » sont inscrits dans la forme discrète d’un phallus allongé, dessiné au trait blanc. Au dos, voici ce qui est écrit en belles lettres reliées, à la manière de l’écriture appliquée d’un écolier (imaginez la police « French Script Regular ») : « Pour ce quatrième volume de Cosmos, Boris Achour est allé encore plus loin dans l’amateurisme et vous a déniché d’authentiques et inédites séquences entièrement et complètement amateurs, toutes tournées dans des intérieurs entièrement blancs. » Enfin ! En voilà une dont l’organisation interne est reliée à une logique externe, à un réseau de significations et à une esthétique issus du vaste monde de la vidéo amateur ! D’autres jaquettes Cosmos sont d’authentiques répliques d’affiches déjà existantes, dont seul le titre est échangé.
Les jaquettes Cosmos relèvent de tous ces grands genres. Mais elles sont parfois issues d’autres, moins usuels, comme Romance, Chevalerie, Vidéo éducative… voire d’autres bien plus particuliers comme Arbalète, Vomi, Calvitie ou Moineau. Si l’on s’attache à la notion de genre, et que l’on admet l’idée qu’un seul exemplaire suffit pour en édifier un, et si l’on admet aussi que Pelouse est un genre aussi probable que Gore, alors certaines nécessités font jour. Les genres, toutes les sortes de genres, construisent, entre les jaquettes Cosmos, des séries.
Et puis il y a les contraintes des producteurs. Eux aussi imposent leurs règles sur des séries entières de jaquettes. Par exemple, Arcade Production produit des séries Z des années 1970, Popo Movies, des documentaires éducatifs et Les Films de la République Géniale durent jusqu’à 6 heures 45. Les Films du Moineau sont toujours très étranges et AB – Arner Bross semble spécialisé dans les séries télé, tandis que 3D Production ne réalise que des films d’images en trois dimensions de douze secondes. C’est pourquoi le vidéoclub Cosmos semble tellement dénué de cohérence, sans auteur, sans unité. C’est en fait le lieu de rencontre de plusieurs grosses productions contradictoires entre elles, de plusieurs genres et sous-genres parfois antinomiques…

Ainsi, toutes les jaquettes Cosmos ont une relation avec d’autres de la même sorte, que celles-ci se développent sur les étagères du vidéoclub Cosmos ou en dehors. Voici cela relié avec d’autres d’un même genre. À force d’observation, des liens invisibles apparaissent. Ils mènent parfois vers d’autres vidéos, parfois nulle part ailleurs. Bien sûr, les genres et les sociétés de productions sont contraignants, mais ils inscrivent les jaquettes Cosmos à la fois dans des codes visuels précis, dans un réseau de signification interne et dans des relations extérieures au vidéoclub Cosmos. Grâce à ces quelques liens ici remis à jour, on peut imaginer que les jaquettes aient alors quelques conséquences ailleurs. Sous cet aspect générique, le vidéoclub Cosmos est un réagencement cosmique du chaos environnant. Certes fondé sur un croisement de références, selon plusieurs logiques propres à chaque film, mais absorbant tout : les visages de stars, les noms, les textes, les logos de compagnies, les synopsis, les images mobiles…

Enfin, les jaquettes vidéos tiennent leur validité propre ! Elles sont ovales et peuvent entrer en contradiction les unes vis-à-vis des autres sans en être jamais affectées. Car il ne s’agit, en fait, que de mondes possibles contenus dans un plus grand. Le vidéoclub Cosmos devient une collection d’entités cohérentes, construites dans le même rapport de nécessité que celui qu’entretient la boîte avec l’œuf. Les poules pondeuses de ces entités ovales sont les films, les livres, les images, les acteurs, les sites amateurs et professionnels, les photographies de… tout ce qui arrive. Cosmos est témoin de cas étranges où des éléments issus de différentes sources sont agencés dans un certain ordre pour former des fictions inédites. Ces phénomènes d’association s’expliquent par une grande capacité d’adaptation des mondes entre eux sur Photoshop. Le vidéoclub Cosmos est lui aussi à la fois une boîte et une poule pondeuse qui contient les jaquettes Cosmos.  Elles-mêmes sont à la fois œuf, boîtes et poules pondeuses, ferventes consommatrices de romans de chevalerie, de films de prison et d’antiquités, nourries en partie de leurs propres consommateurs et de leurs propres productions. Ou bien encore, le vidéoclub Cosmos est un ciel étoilé avec une myriade de mondes construits selon l’imagination de leur créateur dont le ciel est la seule limite. Dans tous les cas, le vidéoclub Cosmos est un ensemble organisé de récits ; chaque jaquette est une version de Cosmos, le roman. Une sorte d’adaptation qui déborde l’interprétation et se met à créer des mondes parallèles à celui dont elle est issue. Voici, pour finir, ce que dit le jeune Witold dans Cosmos de ses propres cas d’association : « La profusion étoilée du ciel… incroyable… dans ces amas errants se détachaient des constellations, j’en connaissais quelques-unes, la Balance, la Grande Ourse, je les retrouvais, mais d’autres, inconnues de moi, guettaient comme si elles étaient inscrites dans le plan général des étoiles les plus importantes ; j’essayais de tracer des lignes, qui formaient des figures… et je fus soudain las de les distinguer ainsi, d’imposer une telle carte, je passais dans le jardin, mais là aussi je fus lassé par la multitude d’objets tels que cheminée, tuyau, coude de gouttière, corniche sur le mur, arbrisseau… »5

 

 

Notes
1- La formule, conçue en 1979, porte le numéro 462 de la série des oeuvres énoncés. Laurence Weiner utilise systématiquement les capitales pour l’ensemble de ses textes. La traduction est de Jean-Marc Poinsot, in Quand l’oeuvre a lieu, éd. MAMCO, Genève, 1999, p. 117.
2- Lawrence Weiner, Lettre du 8 juin 1969, in Quand l’oeuvre a lieu, op. cit., p. 121.

3- Witold Gombrowicz, Journal III, 1961 – 1969, éd. Maurice Nadeau et Christian Bourgois, Paris, 1981.
4- Deke McClelland, Photoshop 5, La doc des pros, éd. First Interactive, Paris, 1998.
5- Witold Gombrowicz, Cosmos, éd. Denoël, Paris, 1988, p. 20.