
Vue générale (Photo : Marc Domage / le Crédac)

Détail de la table présentant les News from Friends(Photo : Marc Domage / le Crédac)

NEWS FROM FRIENDS (Martin Kippenberger 3)

NEWS FROM FRIENDS (Martin Kippenberger 2)

NEWS FROM FRIENDS (Martin Kippenberger 1)

NEWS FROM FRIENDS (Douglas Huebler)

NEWS FROM FRIENDS (Gabi Delgado)

NEWS FROM FRIENDS (Rover Filliou 1)

NEWS FROM FRIENDS (Rover Filliou 2)

NEWS FROM FRIENDS (Richard Baquié 1)

NEWS FROM FRIENDS (Richard Baquié 2)

NEWS FROM FRIENDS (John Baldessari 1)

NEWS FROM FRIENDS (John Baldessari 3)

NEWS FROM FRIENDS (John Baldessari 3)
LA VIE DES TABLES – 2020
Le Crédac, Ivry/Seine, 20.09.2020 — 19.03.21
À l’occasion de l’exposition La vie des tables, de nombreux amis de l’artiste lui envoient des cartes postales dans lesquelles ils expriment de diverses manières leur regret de ne pouvoir être présents au vernissage. Ces cartes prolongent la série toujours en cours des News from Friends, initiées en 2016 à la Galerie Allen.
Texte de présentation de l’exposition, Claire le Restif, septembre 2020.
« Les idées naissent souvent d’une marche, d’une nage dans l’eau claire des lacs, en mangeant une tartine de confiture, pendant une insomnie, en jouant au Memory, en lisant des textes inspirés où se développent des idées nouvelles solidement charpentées. Lorsqu’elles apparaissent, il faut les pincer suffisamment fort pour les retenir jusqu’à la table de travail. Qu’elles soient de cuisine, d’atelier ou de bureau, les tables incarnent l’endroit où les intuitions prennent forme.
L’envie d’inviter des artistes à exposer des œuvres pensées pour autant de plateaux a germé il y a quelques temps déjà. Elle prolonge la lecture des textes de Lucy R. Lippard 1, où l’écrivaine et historienne de l’art américaine, activiste et féministe, fait le constat que les artistes, notamment femmes, bénéficient trop peu d’espaces physiques nécessaires à leur création et sont amenées à devoir travailler dans des espaces domestiques et principalement sur leur table de cuisine. Cette idée s’est également nourrie d’une œuvre de Hugues Reip intitulée 0,25 (1990 – 91) 2, composée d’une série de 25 minuscules sculptures réalisées spontanément à partir de mie de pains, de gomme, de trombones, de clous, présentée au public sur une table de cuisine en formica, icône domestique des années 1950.
Cette exposition nous semble nécessaire après ce printemps privé de convivialité, d’échanges et de proximité. Elle a valeur de projet de résistance et d’attention portée aux pratiques artistiques intimes et domestiques. Ce moment de repli sur soi a conduit les créateurs à retrouver des pratiques artistiques modestes et bricolées, quand pour d’autres il s’agit bien d’une pratique régulière. Se concentrant sur la relation que les artistes entretiennent avec leurs « tables de travail » — refuge, terrain de jeu ou passage obligé — nous invitons les artistes à nous envoyer leurs propositions comme on envoie une lettre. Elles peuvent avoir été pensées pendant la période récente de confinement ou en réponse à cette invitation, elles peuvent être spontanées, modestes, construites ou sophistiquées.
La vie des tables s’adapte aussi à la réalité. Ce projet s’accommode des contraintes liées aux distances et il actualise par jeu et par nécessité le mail art, né en 1962 avec la création par Ray Johnson de la New York Correspondance School of Art. Comme son nom le suggère, le mail art se diffusait principalement par voie postale et de manière spontanée. Ce « mouvement » a annoncé la notion d’attitude comme objet, idée fondatrice de l’art contemporain des années 1970 et qui reste aujourd’hui un enjeu valide.
Les œuvres envoyées par les artistes sont exposées au Crédac sur une multitude de tables glanées en pensant à chacun d’entre eux : de cuisine, de travail, en Formica, en bois, en contreplaqué, peinte ou à l’état brut, carrée, rectangulaire ou circulaire. De formes simples, ces tables sont autant d’îlots qui cohabitent et forment un archipel, composant un paysage évocateur du travail de la pensée et de l’intimité, de la maquette, de l’esquisse ou de la forme aboutie. »
1 Lucy Lippard, Get the Message?: A Decade of Art for Social Change, NY, Ed.Dutton, 1984.
2 Présentée lors de l’exposition personnelle de Hugues Reip, L’Évasion, au Centre d’art contemporain d’Ivry — le Crédac en 2018.
Le Crédac, Ivry/Seine, 20.09.2020 — 19.03.21
On the occasion of the exhibition La vie des tables, many of the artist’s friends send postcards in which they express in various ways their regret at not being able to attend the opening. These cards extend the still ongoing series News from Friends, initiated in 2016 at Allen Gallery.
An introduction by Claire le Restif, September 2020.
« Ideas are often born from a walk, from a swim in the clear water of lakes, while eating a slice of jam, during insomnia, while playing Memory, while reading inspired texts where new ideas are developed solidly. When they appear, you have to pinch them hard enough to hold them to the work table. Whether in the kitchen, the workshop or the office, tables are the place where intuitions take shape.
The desire to invite artists to exhibit works that are designed to be displayed on tables was born some time ago. It extends the reading of Lucy R. Lippard 1, where the American writer and art historian, activist and feminist, makes the observation that artists, especially women, benefit from too few physical spaces necessary to their creation and are led to work in domestic spaces and mainly on their kitchen table. This idea was also nourished by a work by Hugues Reip entitled 0,25 (1990 – 91) 2, composed of a series of 25 tiny sculptures made spontaneously from breadcrumbs, gum, paper clips and nails, presented to the public on a Formica kitchen table, a domestic icon of the 1950s.
This exhibition seems necessary to us after this spring deprived of conviviality, exchanges and proximity. It has the value of a project of resistance and attention to intimate and domestic artistic practices. This moment of withdrawal has led creators to return to modest and cobbled-together artistic practices, while for others it is a regular practice. Focusing on the relationship that artists have with their « work tables » – refuge, playground or obligatory passage – we invite artists to send us their proposals as one would send a letter. They may have been thought up during the recent period of confinement or in response to this invitation, they may be spontaneous, modest, constructed or sophisticated.
The life of the tables also adapts to reality. This project accommodates the constraints of distance and updates by play and necessity the mail art, born in 1962 with the creation by Ray Johnson of the New York Correspondence School of Art. As its name suggests, mail art was spread mainly by post and spontaneously. This « movement » announced the notion of attitude as an object, a founding idea of contemporary art in the 1970s that remains a valid issue today.
The works sent by the artists are exhibited at Crédac on a multitude of tables gleaned by thinking of each of them : kitchen, work, Formica, wood, plywood, painted or raw, square, rectangular or circular. Of simple forms, these tables are so many islands that cohabit and form an archipelago, composing a landscape evocative of the work of thought and intimacy, of the model, the sketch or the completed form. »
1 Lucy Lippard, Get the Message: A Decade of Art for Social Change, NY, Ed.Dutton, 1984.
2 Presented during Hugues Reip’s solo exhibition, L’Évasion, at the Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac in 2018.