OH, LUMIÈRE !
2012
Exposition personnelle, galerie Vallois
La troisième paupière
Texte de Nathalie Quintane écrit à l’occasion de l’exposition et ayant fait office de communiqué de presse
Poursuivre en galerie une flânerie qu’on aurait commencé en ville, à la manière hésitante, mais fluide, ou peut-être empêchée, mais décidée, qu’a eu Boris Achour de déposer des œuvres sans jamais les installer – sans rien qui pèse ou qui pose -, traverser encore une fois l’espace de l’art – ce lieu parfois si posant et si pesant – en danseur, doté d’un masque de lune, en patient lunaire plus qu’en docteur de la lune, voir chaque pièce comme l’élément d’une promenade sans conditions, comme le relais d’un parcours à (r)établir soi-même rétrospectivement, quand la marche est finie et qu’on s’en remémore les détails, les surprises, les banalités merveilleuses – un feu de camp mikado, un gyrophare dans un sac plastique, un somme sur une haie taillée…
En somme, une visite-poème ? Un repos du guérillero ? La Rose sans pourquoi de Silesius et d’Achour dans une exposition précédente n’était pas celle prisée des commentaires philosophiques et littéraires des années 70 ou 80 : c’était une rose extra-terrestre, une créature descendue là où personne n’était plus en mesure de la reconnaître, et donc rincée de tout souci poétique, de leçon, de grammaire, une espèce de rose sauvage et très disciplinée, découpée aléatoirement et pourtant selon ses vers, mystique et désuète – une rose future.
Le poème d’Eluard/Godard que le visiteur de la lune lira n’est ni d’Eluard ni de Godard : lyriquement musiqué dans Alphaville, fasciné par le visage d’Anna Karina, par son passage de la lumière à l’ombre – cette hypnose, ce rappel languien d’un amour-menace -, il est aussi tombé là d’une planète autre, brutalement aplati par sa chute et dans le même mouvement relevé par un brillant dérisoire et touchant.
On pourrait déduire que l’œil du patient lunaire, en visite, demande à être fermé au Crédac, lieu nocturne, et ouvert chez Vallois, diurne (ou l’inverse!). L’art d’Achour serait plutôt nictitant, comme la troisième paupière des oiseaux de nuit, qui préserve l’œil d’une lumière trop vive par un clignotement constant. Les Black Hole Sun qu’on verra renvoient à un « monument » possible aux œuvres non-faites dans une œuvre cependant là et bien là. La forme des choses à venir ne peut être dite que dans une forme présente, et le mieux à même de la dessiner n’est pas le chasseur dans sa nuit, mais un danseur qui fasse résonner le sol par intermittence, un danseur de claquettes qui ne se tiendrait ni dans le jour ni dans la nuit, perpétuellement entre les deux, de l’un à l’autre et de l’autre à l’un, sans repos, saturation des sons et silence parfait se succédant à la vitesse de la lumière.
Au mur à gauche : Sommes, 1999, tirages photographiques Au mur au fond : Fontaine, 2003, stratifié, ampoules, système électronique À droite (plafond, mur, sol) : Unité!, 2004, bois, résine acrylique, plexiglas miroir, film polyane, tubes fluorescents, peinture spray Au sol : Feu de camp mikado, 2011, bois, métal chromé, papier mâché, résine acrylique, stratifié